Depuis quelques mois déjà, je m'étais lancée dans la quête des badges. Une distraction pendant l'interruption hivernale de l'université qui me laissait bien trop de temps libre avec mes pensées. J'avais déjà obtenu les deux premières badges et venais maintenant jusqu'à Cramois'île me confronter à l'arène de feu. Chaque victoire me donnait un peu plus confiance en moi, en mes capacités, et en mes Pokémons. Mes Loupios m'accompagnaient toujours, mais j'essayais de faire combattre tous les Pokémons qui le souhaitaient. Aujourd'hui, c'était au tour de Sirena de briller. Le Barpau s'était vaillamment entraîné ces dernières semaines et était prêt pour un combat officiel. Si l'apparence du Pokémon poisson ne présageait en rien de ses capacités, Sirena était faite pour le combat. Quand je lui avais proposé de se préparer pour l'arène de feu, elle s'était donné au delà de ses capacités, jour après jour, prouvant qu'elle pourrait réussir tout défi qui se présentait à elle. Et hier, la révélation qu'il était temps pour nous de venir nous confronter à l'arène de Cramois'île. A la fin de son entraînement quotidien, le Pokémon poisson en frétillait de joie, plus encore que d'habitude. Elle s'agitait frénétiquement, avant qu'une lumière ne l'enveloppe. Je l'avais regardée d'un air étonné. Est-ce qu'elle allait ... ? Un Milobellus était alors apparu devant moi, confirmant ma suspicion. La belle avait évolué juste à temps pour venir se confronter avec moi aux dresseurs de feu. C'était un majestueux Milobellus qui serait à mes côtés pour le combats. Je pénétrai dans l'arène confiante et déterminée. On m'expliqua que j'avais deux premiers dresseurs à affronter avant de pouvoir me confronter à la championne. J'écoutais d'une oreille quelque peu distraite, mon regard parcourait les lieux impressionnants. La chaleur était presque étouffante, mais la roche volcanique, les touches de lave, les lieux étaient époustouflants. Un paradis pour les Pokémons de feu. Il faudrait à mes Pokémons renverser ça si on voulait combattre sur un pied d'égalité. Le premier dresseur ouvrit le combat avec un Caninos. Sans hésitation, j'envoyai Sirena au combat. « Tu es prête, je crois en toi. » je lui murmurai avec un sourire confiant avant de concentrer mon attention sur le Pokémon adverse. J'avais raison, mon Milobellus arrosa immédiatement le Caninos qui ne sembla pas apprécier se confronter à l'eau. Sirena se retourna fièrement vers moi lorsqu'il fut clair que le Caninos ne se relèverait pas. « Félicitations, ma belle. Mais ce n'est pas fini. Un autre dresseur nous attend. » Mais le dresseur suivant ne posa pas de grande difficulté. Un Galopa et un Matoufeu. Nous commencions par une danse pluie pour rééquilibrer le terrain avant d'enchaîner les attaques de type eau. Sirena vaincut les deux pokémons à coup de surf et saumure. Je n'avais jamais vu le Pokémon aussi joyeux qu'à la fin de ce combat. Même là, dans un environnement aussi inhospitalier, elle s'épanouissait grâce à la frénésie des combats. Je m'approchai et vins lui caresser la tête. « Tu es magnifique. Prête pour un dernier combat ? La championne risque d'être une autre paire de manches. » Sirena émit un petit cri d'approbation et je souris sincèrement, le coeur léger. Ensemble, qu'est-ce qu'on ne pourrait surmonter ? C'était donc plus confiante que jamais que j'avançais vers le cercle de lave final. Un petit chemin de roche volcanique permettait de pénétrer dans la zone de combat. Je l'empruntais, Sirena sur mes pas. Le Milobelus à mes côtés était certainement plus impressionnant que le Barpau que j'avais rencontré il y a quelques mois, même si je l'aimais quelque soit sa forme. Je regardais affectueusement mon Pokémon, avant de me retourner vers l'avant. La championne ne devait plus être loin, et en effet mon regard se posa sur la jeune femme qui n'était plus qu'à quelques pas. Mon coeur s'arrêta, toute légèreté s'en était envolé au moment où mes yeux s'étaient posés sur elle. Mes jambes se stoppèrent net.

« Ace » Le nom s'échappa d'entre mes lèvres, un murmure, un cri. Quelle différence ? Le temps semblait s'être arrêté, retourné. Je me retrouvais des années en arrière. L'instant où je compris qu'elle ne viendrait pas. Où je m'étais retrouvée de nouveau, seule, abandonnée, sans un mot. Laissée derrière elle avec tout le reste. Je la pensais partie pour toujours et pourtant elle était là, devant moi. Le fidèle Feunard à ses côtés ne laissait pas le doute planer : Gold avait l'attitude d'un champion, dressé et prêt à combattre, alors que sa dresseuse était nonchalamment installée, distraite, détachée. Mais même sans le Pokémon, je l'aurais reconnue. Je l'aurais reconnue perdue au milieu d'une foule. Je n'osais pas cligner des yeux de peur qu'elle disparaisse à nouveau. Je n'étais plus rattachée à la réalité que par un fil. Une réalité que mon esprit ne semblait pouvoir accepter, mais il fallait s'admettre les faits : elle était revenue comme elle était partie, sans un mot, sans une explication. Les questions se précipitaient dans mon esprit à toute vitesse sans qu'aucune ne -parvienne à franchir la barrière de mes lèvres. Qu'est-ce qu'elle faisait ici ? Quand était-elle revenue ? Où était-elle passée ? Etait-ce son arène désormais ? Qu'avait-elle fait toutes ces années ? Comment elle allait ? Pourquoi elle m'avait laissée ? Pourquoi elle ne m'avait jamais recontactée ? Pourquoi elle ne  m'avait pas dit qu'elle revenait, qu'elle était là ? Pourquoi n'avais-je pas été assez pour la retenir ? Pourquoi n'avait-elle pas cru en nous ? Pourquoi elle ne m'avait pas aimée. Pas assez. Par où commencer quand on voudrait tout et rien demander. Est-ce que je voulais vraiment des réponses à cet instant ? ll ne fallait pas poser de questions dont on était pas prêt à entendre la réponse. Une leçon que mon indéniable curiosité m'avait appris très jeune. Mes yeux s'embuaient malgré la chaleur environnante, mais je ne laisserai pas de larme s'échapper. Pas ici, pas maintenant. Je fermai les yeux, ravalais ma salive et mes questions, inspirai une grande bouffée d'air très loin d'être frais et expirais doucement, relâchant mes épaules. Je relevai le menton et posai les yeux sur la championne face à moi. Que je connaissais par coeur et au final pas du tout. « Je viens défier la championne pour le badge Volcan. » Mon ton se voulait décisif mais ma voix était tremblante, brisée, comme mon coeur.

L'cœur à jamais abimé par les expériences profanes martelées en secret dans c'laboratoire du diable, et pourtant à chaque instant, dès qu'elle a du temps libre, elle y retourne, sans un soupçon d'regrets, pour faire avancer la science, pour s'permettre de créer l'évolution parfaite. L'but ultime, débarrasser les pokémons d'cette soumission à l'humanité qui n'fait que des dégâts à ces pauvres créatures. Et au fond d'son arène, elle travaille, lit c'bouquin acheté il y a deux jours au sujet de l'évolution pokémon, laisse soin aux autres dresseurs de feu d'affronter les challengers. Elle s'occupe, assise contre la roche volcanique, bien incapable de se concentrer sur c'qu'il s'passe dans son arène, bien indigne du badge volcan qu'elle garde pourtant, qu'elle protège comme un garde-fou, qu'elle ne remet qu'aux méritants.

Quel beau mensonge, foutue utopie.
Imaginer un seul instant qu'il en existe un.
Quelqu'un d'méritant, c'est une belle connerie,
Car si l'vainqueur l'emporte, ce n'est que sa force mise en jeu.
Il n'y a pas de vrai saint parmi les humains,
Il ne peut y avoir une seule âme qui en vaille la peine.

Et elle n'y croit désormais plus. A ces fables qui parlent d'un guerrier méritant, celui ou celle qui a droit à la gloire et à l'amour d'autrui. Les dresseurs n'sont que des crétins qui osent faire combattre des créatures qui s'trouveraient bien mieux loin d'tous ces humains. Pourtant, c'est l'adage, pourtant, c'est devenu normal. On capture des pokemons sauvages, on ose les faire s'affronter. Certains aiment sans doute leurs dresseurs, d'la même façon qu'elle aime Gold et les autres de son équipe. Mais l'monde s'porterait pourtant bien mieux s'il n'y avait pas ses pairs. Si la terre n'était foulée qu'par les pokemons. Une idylle impossible. Mais elle s'efforce d'faire en sorte qu'au moins l'processus d'évolution devienne une maitrise qu'elle enseignera ensuite aux créatures d'cette vie.


Adaline qui s'tient dans ses frêles songes, elle s'demande si elle n'est pas qu'hypocrite, finalement. Parce qu'la pire de tous, de toutes, d'après beaucoup, reste la seule qui demeure en c'myocarde abîmé. Elle n'sait même pas si elles ont une chance d'être plus un jour, s'demande juste à chaque fois si elle pourra percer c'cœur, si elle n'ferait pas mieux d'abandonner tout de suite, si l'mur qu'érige l'éclair est prenable par le volcan. C'même volcan qui gronde, quand elle sent la fumée au loin. Foutu eau qui s'infiltre, elle sait d'avance qu'ce challenger s'est soit préparé, soit a d'la chance. Tomber sur c'genre de dresseurs est généralement une vraie plaie, et aucun d'ses pokémons n'aime être arrosé. Elle ferme les yeux, s'allonge sur l'côté, lit son bouquin, en sachant parfaitement qu'l'eau parviendra jusqu'à elle. Parce que c'est une faiblesse qu'elle n'pourra contrer qu'par la science, sans savoir encore comment. Elle s'demande si l'adn d'l'eau pourrait survivre dans l'corps des flammes, si elle serait capable d'créer un pokemon feu insensible à sa plus grande faiblesse.

Les rêves qui demeurent,
Quand tu sens ce profil,
Quand l'adage se meurt,
Que tu ne tiens plus le fil.

Parce qu'au final, elle aimerait s'laisser absorber par les lignes manuscrites d'ces experts passés qui ont étudié l'évolution. Mais la vapeur s'fait sentir, elle sait qu'ils échouent, qu'le challenger passe. Et ça l'agace. L'regard absent, elle s'fout complètement de ce qu'il s'passe dans cette arène. Elle a volé l'badge et l'titre de championne, s'sent imposteur, quand tout c'qui l'intéresse c'est d'braver les limites de la biologie. Mais déjà, elle entend Gold grogner, l'feu qui s'déchaine dans son comportement d'malpoli. Mais quand les flammes s'arrêtent de danser, qu'le feunard s'étonne, s'arrête d'réagir comme un champion, quand l'regard s'demande s'il n'a pas déjà croisé la challenger, celui d'Aslan se lève de son bouquin un moment, par simple peur qu'il ne soit arrivé quelque chose à son compagnon. Pourtant, c'est c'mot qu'elle entend. L'simple Ace qui la surprend. L'retour en arrière, parce qu'la seule à l'avoir appelée ainsi prenait une place conséquente dans son cœur, à l'époque. Sophie. Et les pensées qui s'dirigent vers c'monstre qui abusa d'elle. Impossible d'retrouver son passé avec c'traumatisme qui la hante. Sophie et les questions, Sophie abandonnée. Encore. Et elle s'demande toujours, Aslan, si Sophie était un amour, ou un baume. N'sait pas trop comment affronter son regard, veut éviter d'avoir à l'faire. Mais quand la demoiselle aux torrents s'décide à clamer l'badge qu'elle garde précieusement, elle n'a plus d'autre choix qu'd'affronter à la fois l'passé et cet amour d'antan, l'ex qui s'dresse sur son chemin. N'est-ce pas l'inverse ? N'est-ce pas toi, sur son chemin ? Toi, qui lui barre la route jusqu'au cœur du volcan ? L'impression d'se retrouver coincée, elle n'aime pas ça, et s'relève à peine, s'assoit sur l'sol, contre la roche volcanique, à quelques pas d'la zone de combat où Gold s'tient, en vrai champion.

« Okay, okay. Tu connais les règles, alors vas-y, choisis ton pokemon, qu'on en finisse. »

Parce qu'elle ne veut pas, Aslan. Elle refuse d'se laisser entrainer dans les abysses de son passé. Elle refuse d'se retrouver prisonnière d'ses affres d'antan. Elle veut juste oublier l'passé. D'la même façon qu'elle a délaissé Sophie, d'la même façon qu'elle s'est enfuie à Hoenn un jour, sans jamais parler, ni laisser d'traces, elle n'veut qu'se laisser avancer, n'plus repenser à c'connard sur son corps, qui prenait sans consentement, l'entrainait dans les déboires d'son propre esprit, la forçait à détester son propre corps. Qu'elle le veuille ou non, Sophie n'fait qu'lui rappeler cette période de sa vie, qu'elle tente pourtant en vain d'oublier. Alors qu'elle gagne, qu'on en finisse.

Pourquoi personne ne m'aime ? Ils prononcent tous les mots mais au final les sentiments ne sont jamais suffisants pour qu'ils restent. Ma mère biologique. Ace. Riv. Tout le monde s'en allait, me laissait sur le côté comme un vieux papier, et semblait s'épanouir bien mieux sans moi. Du moins pour Ace. Aucun n'avait eu la décence de donner des nouvelles donc je ne pouvais réellement me prononcer pour les deux autres, mais ils n'étaient pas revenus sur leur pas, sur leur choix de me laisser là, donc ils étaient probablement mieux ainsi, eux aussi. Et Ace. Championne du badge Volcan. Un maigre sourire se formait sur mes lèvres. Le goût doux amère de sa réussite. A une époque, on aurait pu être considérées comme égales. Au moins en termes de combat. Aucune de nous avait cette combattivité en nous, notre passion était toute autre. Mais maintenant je me retrouvais presque comme une dresseuse débutante à venir la défier pour le badge de l'arène sur laquelle elle régnait. Elle avait probablement réussi ses autres entreprises aussi. Cramois'île avait des laboratoires de pointe. Repensait-elle à sa décision parfois ? De ne pas venir. Peut-être qu'elle y repensait avec joie. La meilleure décision de sa vie. Quel meilleur chemin aurait-elle pu emprunter à mes côtés ? Je ne pouvais pas me laisser aller à l'imaginer. Si elle était venue. Si elle était restée. Si elle m'avait demandée de partir avec elle. Les expériences, les découvertes, les recherches, une partenaire aussi passionnée, prête à tout braver pour des réponses. Je ne pouvais pas croire que ses priorités avaient changé à ce point, que le combat était maintenant au centre de son coeur. Peut-être que je la connaissais un peu au final car elle ne se releva même pas quand je vins la défier, s'adossant seulement sur la roche volcanique, se souciant peu du combat. Ou de ma présence. « Okay, okay. Tu connais les règles, alors vas-y, choisis ton pokemon, qu'on en finisse. » Les mots étaient tranchants par leur indifférence. Je n'avais pas d'importance. Qu'une dresseuse comme les autres. Un combat à faire, à gagner ou à perdre, avant de pouvoir retourner à ses livres. Je ne pouvais pas vraiment la blâmer pour son manque d'enthousiasme dans les combats Pokémons, j'avais passé des années avant d'y accorder le moindre intérêt. L'ardeur de mes Pokémons était motivant, m'arrachant des sourires épars, mais je n'avais pas l'ambition des dresseurs qui partaient enfants déterminés à conquérir le monde et devenir maître de ligue. Je n'avais jamais été une dresseuse dans l'âme. Mais j'aurais pensé qu'elle accorderait un peu plus d'attention à ma personne. Je me fourvoyais de toute évidence. Les sourcils légèrement relevés, je répondis sèchement. « Je ne voudrais surtout pas être un dérangement. » Je connaissais les règles disait-elle. Mais avais-je vraiment besoin de les respecter ? Parce que j'étais à peu près sûre que Chiro serait prêt à l'électrifier elle et non son Feunard. Mais c'était Sirena qui était à mes côtés. C'était son moment. Elle s'était préparée pour. Elle ondulait doucement, tentant de calmer nos esprits. Je lui lançais un regard peiné. Ses capacités étaient impressionnantes mais ne suffiraient pas à cet instant. D'un signe de tête, je lui indiquai d'avancer la zone de combat. Mon Pokémon était choisi bien avant que je mette un pied dans l'arène. Maudite arène. Je me retournai brusquement vers Ace et brisai la tendue cordialité qui s'était établie entre la championne et moi. « C'est vraiment tout ce que tu as à me dire ? Choisis un Pokémon, combats et vas-t-en ? » Mes yeux se fixaient sur elle. Est-ce que j'étais à ce point insignifiante dans sa vie ? « Si c'est une telle inconvénience, juste lance moi le badge et retourne lire. » Retourne dans ta vie. Retourne prétendre que je n'existe pas. Que je n'ai jamais mis les pieds ici. Si c'était vraiment l'importance qu'elle accordait à son rôle et à notre combat, y avait-il un intérêt à le dérouler ? A s'imposer de rester là, face à face, ou presque puisqu'elle n'avait même pas eu la décence de se lever pour m'affronter. Je n'avais aucune envie de blesser Gold ou Sirena, même si à cet instant je n'étais pas contre inonder son entière arène et son fichu bouquin. Mes yeux parcouraient l'espace qui nous entouraient et des milliers de gouttes l'envahissaient dans mon esprit. Mieux les valait là que dans mes yeux. « Je ne savais même pas que tu étais revenue à Kanto. » Ma voix s'était calmée. Elle n'était plus tempête, seulement un filet d'eau qui s'écoulait, suivait son cours, calme et incontrôlé, vrai. Plus de question. Juste un fait. Une vérité.